Nuages nuages

Poussière de lumière immaculée sur le bleu du ciel. Début d’après-midi, par un léger vent du nord, au-dessus de la campagne méditerranéenne. Cela vaut la peine de lever les yeux pour regarder autre chose que son smartphone.

L’auteur présumé

Samuel B. illustre inconnu et imposteur, qui prétend avoir écrit lui-même, « Le nom du monde est A ». D’une part, à voir sa tête, on doute qu’il ait pu écrire quoi que ce soit. D’autre part, la forme incohérente et le style abscons, sont particulièrement caractéristiques d’une œuvre totalement mécanographique. Enfin, les archéologues spécialistes en mécanographie, sont formels, il est on ne peut plus vraisemblable que ce monument de la littérature non-humaine a été écrit par une machine Remington, datant du premier quart du XXème siècle. La datation par le carbone 14, ne permet pas plus de précisions, pour le moment. En cette période d’inactivité forcée, la lecture de ce livre – en vente dans les meilleures librairies virtuelles – pourrait être, même à fortes doses, un remède à la déprime.

La pianiste

Elle avait un doigté exceptionnel pour transmettre les messages codés. Même si elle était d’origine aristocratique, elle avait rapidement démontré qu’elle ne volait pas son modeste salaire, car elle travaillait énormément et était très compétente. Seule femme du bureau de Lisbonne, elle avait eu à ses débuts, malgré sa beauté austère, quelques inévitables prétendants, rapidement déçus, à commencer par le vieux qui s’était ramassé et était vite retourné à ses rombières. Derrière ses fines lunettes, elle avait des yeux brillants qui illuminaient son visage, à la peau très claire bronzée par le soleil lisboète.

Le cryptographe

Il possédait les deux traits communs à ceux qui exerçaient cette activité depuis longtemps. C’était un cynique désabusé et une mine d’information. Deux qualités que développaient les années passées à déchiffrer les secrets des autres, pour les trouver, dans la majorité des cas, dérisoires. Mais avec la venue de l’homme de l’Abwehr, les choses allaient changer et une fois l’opération orichalque terminée, les instructions de Berlin étaient claires, le bureau de Lisbonne serait liquidé.

Le vieux

Un passé assez glorieux pendant la grande guerre de 14-18, lui valait ce poste de chef du bureau de Lisbonne qui, jusqu’à présent, avait été une sinécure. Mais, malgré sa soixantaine encore fringante que seules quelques rombières rencontrées dans des raouts diplomatiques, semblaient apprécier, il n’était pas sûr qu’il soit à la hauteur lors de la négociation secrète pour l’obtention de la cargaison d’orichalque dont il ignorait d’ailleurs tout.

L’homme de l’Abwehr

Le service avait trouvé en lui son meilleur agent, dont la « couverture » était idéale. Il parlait couramment plusieurs langues et était aussi à l’aise dans la haute société que dans les bas-fonds de la pègre. Ses connaissances scientifiques en aéronautique et en géologie, allaient lui permettre de mener à bien les négociations ultra-secrètes pour obtenir l’orichalque nécessaire à la fabrication des fusées qui, depuis Peenemünde, devaient pulvériser le monde. C’est la raison pour laquelle, il venait d’arriver à Lisbonne. A première vue, il avait l’air d’un jeune homme très bien, mais en y regardant de près, on voyait que c’était un dur.